Burkina Faso : Gérard Sanou, du micro à la houe, un parcours inspirant vers l’agro-entrepreneuriat

« Le journalisme mène à tout ». L’adage colle parfaitement à l’histoire de Gérard Sanou. Ancien journaliste à Ouaga FM, il a décidé en 2019 de tourner une page de sa carrière médiatique pour en écrire une nouvelle, cette fois dans les champs. Depuis Bobo-Dioulasso, il s’investit désormais dans la production et la valorisation du manioc, une culture vivrière qui gagne du terrain au Burkina Faso.

Pendant des années, Gérard Sanou a couvert l’actualité agricole en tant que reporter. À force de côtoyer paysans, coopératives et experts, il a progressivement nourri le rêve de devenir acteur de ce secteur. « Déjà, en tant que journaliste, je préparais ma carrière d’agriculteur. Chaque fois qu’on me demandait de proposer un sujet, c’était toujours en lien avec l’agriculture », raconte-t-il.

En 2020, son projet prend un tournant décisif lorsqu’il est admis à l’École nationale de formation agricole (ENAFA) de Matourkou. Pendant deux ans, il y suit un programme axé sur l’agronomie et la gestion. « Nous étions seulement neuf à terminer la formation. L’objectif était de faire de nous des producteurs performants, à la fois agronomes et gestionnaires », précise-t-il. Ce cursus lui vaut aujourd’hui le titre d’« entrepreneur agricole innovateur ».

Aujourd’hui, Gérard produit du manioc, du maïs, etc. sur des superficie raisonnables, selon les besoins du marché. En effet, contrairement à de nombreux producteurs qui communiquent des chiffres fixes, Gérard Sanou préfère garder une flexibilité dans ses superficies cultivées : « Pour un entrepreneur agricole, les superficies peuvent varier selon les opportunités. Si je n’ai pas de bonnes perspectives de marché, je réduis. Mais si je décroche un contrat, j’augmente », explique-t-il.

Gérard Sanou, du micro à la houe, un parcours inspirant

Pour la campagne en cours, il exploite 6 hectares de maïs semencier, avec un rendement attendu de plus de 25 tonnes, et 2 hectares de manioc, capables de fournir entre 30 000 et 40 000 boutures ainsi qu’une production estimée entre 40 et 50 tonnes de tubercules. « Je donne toujours des fourchettes, car les rendements exacts ne se déterminent qu’à la récolte », précise-t-il.

Cette activité lui permet aujourd’hui de subvenir à ses besoins et d’investir dans son avenir : « Grâce à l’agriculture, j’ai pu m’inscrire à l’université pour un master en communication pour le développement. Je peux dire que je vis un peu mieux actuellement que lorsque j’étais journaliste à temps plein », confie-t-il, non sans fierté.

L’agriculture, pilier de l’économie nationale

Gérard Sanou replace son engagement dans une perspective historique. Pour lui, l’agriculture a toujours été un pilier du Burkina Faso. « Depuis l’école primaire, on nous a appris que les deux mamelles de l’économie burkinabè sont l’agriculture et l’élevage. Je ne pense pas que cela ait vraiment changé, même si l’exploitation aurifère a pris une place importante ».

Il rappelle que sous la révolution du capitaine Thomas Sankara, le pays avait atteint l’autosuffisance alimentaire, preuve que des politiques volontaristes peuvent porter leurs fruits. Plus récemment, il cite l’exemple de l’ancien ministre Salifou Diallo, qui ambitionnait dès 2007 de faire du manioc une filière d’exportation.

Aujourd’hui encore, notre entrepreneur agricole innovateur se dit encouragé par les initiatives du gouvernement, notamment l’Offensive agro-pastorale et halieutique. « Nous, producteurs, apprécions positivement les efforts en matière d’aménagement hydro-agricole et d’organisation des filières », affirme-t-il, tout en invitant les exploitants à accompagner cette dynamique nationale.

Mais l’optimisme de l’entrepreneur agricole n’efface pas les réalités du terrain. Selon lui, les conditions de travail des paysans demeurent difficiles. « Nous sommes au 21ᵉ siècle, mais nous pratiquons encore une agriculture du Moyen Âge, avec la daba et la houe », déplore-t-il.

Il évoque aussi un autre obstacle majeur : la rareté de la main-d’œuvre. Attirés par l’orpaillage artisanal, de nombreux jeunes désertent les champs. « L’or, c’est de l’argent rapide. Les jeunes préfèrent aller creuser que de patienter dans l’agriculture », relève-t-il. Résultat : les exploitants doivent payer plus cher une main-d’œuvre capricieuse, ce qui alourdit encore leurs charges.

À cela s’ajoute la question de la commercialisation. Les producteurs, selon lui, restent dépendants des intermédiaires qui fixent les prix : « Ce sont eux qui prennent la meilleure part de la rémunération, pendant que l’agriculteur replonge dans la misère ».

Gérard Sanou est aujourd’hui entrepreneur agricole innovateur. Il produit du manioc, du maïs, etc.

Miser sur la transformation locale

Pour sortir de cette impasse, Gérard Sanou plaide pour le développement d’initiatives locales de transformation. « Quand vous produisez des fruits, des légumes ou du manioc, l’acheteur sélectionne ce qu’il veut et le reste est perdu. Pourtant, avec de petites unités de valorisation, ces pertes pourraient devenir des revenus », souligne-t-il.

Le manioc, dont il est un fervent promoteur, illustre bien ce potentiel inexploité. Au-delà de l’attiéké, qui reste le produit phare, la tubercule peut donner du tapioca, de la farine panifiable, de l’alcool ou encore de l’éthanol utilisé en médecine. « Si vous allez au Nigeria ou au Cameroun, le pain contient déjà un fort pourcentage de farine de manioc. Pourquoi pas chez nous ? », s’interroge-t-il.

Plus qu’un projet personnel, Gérard Sanou nourrit une ambition collective. « Je souhaite voir des agriculteurs fiers de leur métier, qui vivent dignement de leurs récoltes et préparent une retraite paisible », dit-il. Il insiste aussi sur la nécessité d’une transmission entre générations, afin que les jeunes puissent reprendre le flambeau.

Enfin, il met en garde contre la spéculation foncière, qui pousse certains paysans à vendre leurs terres par nécessité, compromettant l’avenir du secteur. « Il faut protéger les terres agricoles et préparer la relève, sinon nous hypothéquons l’avenir des générations futures », alerte-t-il.

Avant de conclure, il formule le vœu « que les agriculteurs déplacés internes retrouvent leurs villages respectifs pour poursuivre ce noble métier ».

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