Dans les zones sahéliennes frappées par l’irrégularité des pluies et la dégradation des sols, une technique ancestrale reprend de la vigueur : la demi-lune. De simples excavations en demi-cercle, creusées à contre-pente, qui transforment chaque averse en opportunité agricole. Au Burkina Faso, cette méthode s’impose comme un levier de résilience et de productivité pour des milliers d’exploitations familiales.
Mais, en quoi consiste la demi-lune ? La demi-lune est un micro-bassin semi-circulaire (ouvert vers l’amont) : on enlève la terre sur 20 à 30 cm de profondeur et on la dépose en bourrelet du côté aval pour retenir l’eau de ruissellement. Les ouvrages sont disposés en quinconce le long des courbes de niveau afin de ralentir l’érosion, favoriser l’infiltration et concentrer eau et matière organique au pied des cultures.
La pratique de la demi-lune demande une organisation agencée, une méthode pas à pas (version terrain). Ainsi, elle comporte plusieurs étapes.
D’abord, il y a le choix de la parcelle. Elle se pratique sur des sols encroûtés ou dégradés en zone sahélienne/soudano-sahélienne, pente faible, absence de ravines actives.
Ensuite, vient l’implantation. Il s’agit de tracer les courbes de niveau (fils, niveau à eau, A-frame) ; marquer l’emplacement des demi-lunes en quinconce.
Ces étapes respectées, vous passez donc au creusement. En effet, vous devrez exécuter des cavités en demi-cercle, d’une profondeur d’environ 20–30 cm et lever un bourrelet compacté en aval. (Les dimensions varient selon le contexte ; les micro-bassins vont de petites cuvettes à des structures jusqu’à quelques mètres d’ouverture.)
Puis, vient l’amendement. A cette étape , il faudra incorporer le fumier/compost dans chaque cuvette pour « amorcer » la fertilité et attirer l’activité biologique (termites, micro-faune), ce qui améliore la porosité et l’infiltration.
Ainsi, vous pourrez effectuer maintenant les semis/plantations, au moment venu (quand la saison des pluies débutera). Vous allez donc placer les graines dans la partie la plus basse de la demi-lune ou sur le bourrelet selon l’espèce (mil, sorgho, niébé, arachide ; aussi fourragères et plants d’arbres).
Mais, vous ne devrez pas oublier l’entretien. Pendant la saison des pluies, il faudra régulièrement réparer les bourrelets, désherber, compléter l’apport organique, etc. En effet, un petit entretien annuel pérennise l’ouvrage.
Les gains observés
Au Burkina Faso, la combinaison « demi-lune + fumier/compost » donne des productions de 1,2 à 1,6 t/ha de grains dans des zones dégradées, et les rendements de la demi-lune seule peuvent être multipliés par 15 à 24 avec l’apport de compost.
Des « Études Sahel » (Burkina, Niger, Mali, Sénégal) rapportent des gains moyens d’environ +112 % en grain et +49 % en paille sur des terres réhabilitées en demi-lunes par rapport à des champs témoins.
Des démonstrations récentes indiquent jusqu’à environ 30 % d’humidité en plus durant les poches de sécheresse, ce qui sécurise la levée et la nouaison. (Cas documentés au Mali, transposables aux conditions sahéliennes du Burkina.)
Cette pratique aide à la réduction de l’érosion, au retour de la végétation herbacée et arbustive, et à amélioration progressive de la structure des sols.
Cette pratique est beaucoup conseillée dans les zones sahéliennes et soudano-sahéliennes, sur des sols relativement lourds à tendance encroûtante. Elle est cependant moins adaptée aux zones plus humides où d’autres techniques (cordons pierreux, banquettes, haies vives) sont préférées.
Les cultures indiquées pour cette pratique sont le Mil, le sorgho, le niébé, l’arachide et plantes fourragères (Panicum, Brachiaria). Ces différentes cultures tirent parti de l’humidité concentrée. Les demi-lunes servent aussi à l’agroforesterie : plantation d’arbres (faidherbia, ziziphus, acacia) et d’arbustes fourragers à l’intérieur des cuvettes non amendées en céréales.
Pourquoi ça marche ?
Parce qu’elles concentrent l’eau (réduction des pertes par ruissellement), stabilisent la terre fine et la matière organique, et réactivent la vie du sol : termites et micro-organismes créent des galeries qui améliorent l’infiltration et la rétention. Ce cercle vertueux transforme des glacis réputés stériles en parcelles productives.
Dans le nord du Burkina Faso, agriculteurs et déplacés internes réhabilitent des centaines d’hectares avec l’appui d’ONG et de collectivités ; les « demi-lunes » y sont aujourd’hui synonymes d’autosuffisance mieux sécurisée, de fourrages disponibles en saison sèche et d’un revenu plus prévisible malgré la variabilité climatique.
Dans un pays où les terres cultivables sont de plus en plus réduites, à cause de l’insécurité qui a fait déplacer plusieurs populations en majorité paysannes, et des effets du changement climatique, cette pratique permettra de récupérer certaines terres agricoles et d’offrir des opportunités aux populations.
Espoir info
