Léo, Karim et Noraogo (noms d’emprunt) étaient à la barre de la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, le vendredi 25 juillet 2025. Léo et Karim étaient poursuivis pour vol, tandis que Noraogo comparaissait pour recel. Les deux premiers ont reconnu les faits. Le troisième, Noraogo, les a niés catégoriquement.
D’après les éléments du dossier, Léo travaillait comme magasinier dans une entreprise de la ville de Sya. Il avait sous sa responsabilité quatre magasins dans lesquels étaient entreposés les sacs de riz de la société. Profitant de sa position, il a détourné plusieurs sacs. À la barre, il a reconnu avoir soustrait environ 120 sacs de 50 kg.
- Comment avez-vous procédé pour soustraire tous ces sacs ?, demande le président du tribunal.
- Quand les camions viennent décharger le riz, il y a souvent des surplus. C’est ce que je prélevais pour remettre à Karim, qui se chargeait de la vente, a-t-il expliqué.
Il a ensuite précisé qu’il avait changé de méthode en réduisant la quantité des sacs pour ensuite les reconditionner avant de les vendre à Noraogo.
- Pourquoi avez-vous agi ainsi ?, interroge encore le juge.
- C’était pour soigner mon père, répond Léo.
- Pensez-vous que tout l’argent issu de la vente de 120 sacs a été utilisé pour les soins de votre père ?
Face à cette question, Léo est resté silencieux.
De son côté, Karim a affirmé avoir vendu les sacs entre 10 000 et 25 000 francs CFA, selon la qualité, à Noraogo.
- Comment transportiez-vous le riz jusqu’au magasin du commerçant ?
- Dans un tricycle, répond Karim.
- Dans quel type de sacs mettiez-vous le riz pour l’acheminer chez Noraogo ?
- Les 25 premiers sacs étaient déjà conditionnés. Par la suite, on mettait le riz dans des sacs de 100 kg. Arrivés à la boutique, on le reconditionnait dans d’autres sacs.
- Qui fournissait ces sacs ?
- C’est Noraogo qui proposait les sacs et déduisait leur coût de notre argent, a répondu Karim.
À la barre, Noraogo a nié les faits, bien qu’il reconnaisse connaître Karim depuis plus de trois ans.
- Il m’a approché en disant qu’il représentait une société et qu’il voulait vendre du riz. J’ai accepté parce qu’il proposait un prix normal. J’ai acheté les sacs de 50 kg entre 20 000 et 25 000 francs CFA, a expliqué Noraogo.
- Vous le connaissiez comme vendeur de riz ?, demande le juge.
- Non. Il venait juste faire des achats dans ma boutique, répond-il.
- Vous n’avez jamais douté qu’il s’agissait de riz volé ?
- Non, car plusieurs sociétés me livrent du riz. Je n’ai pas trouvé cela suspect.
- Mais Karim n’est pas une société, fait remarquer le président du tribunal.
Selon le procureur, les sacs de riz soustraits par Léo étaient reconditionnés devant la boutique de Noraogo et revendus à la population. C’est un appel anonyme, le 26 mai dernier, qui a permis de les prendre en flagrant délit de reconditionnement en pleine journée, ce qui a conduit à leur arrestation après enquête.
Les faits sont graves. On aurait même pu ajouter l’infraction de tromperie sur la marchandise, a estimé le procureur. « Peut-être que nous-mêmes avons acheté ce riz, pensant qu’il s’agissait d’une marque authentique », a-t-il ajouté.
Convaincu que les faits sont établis contre les trois prévenus, le parquet a requis 24 mois de prison, dont 12 mois fermes, et 1 000 000 FCFA d’amende, dont 500 000 francs fermes, contre chacun d’eux.
L’avocat de Noraogo a plaidé l’innocence de son client. Il ne pouvait pas savoir que le riz était volé, d’autant plus qu’il l’a acheté à des prix raisonnables, conformes au marché. Et s’il savait que c’était du riz volé, jamais il n’aurait accepté de le reconditionner devant sa boutique, en pleine journée.
Il a donc demandé la relaxe pour infraction non constituée.
L’avocat de la partie civile, représentant l’entreprise victime, a, pour sa part, indiqué qu’un état des pertes dressé par huissier évalue les détournements à 36 573 500 FCFA. Il a donc demandé au tribunal de condamner solidairement les prévenus à payer cette somme à titre de dommages et intérêts, en plus de 1 000 000 FCFA pour frais exposés, non compris dans les dépens.
Le verdict est attendu pour le 8 août 2025.
Source : Justice Infos Burkina
Espoir Info